L’absence de résultats mesurables et concerts
La formation dans les TPE/TPME est un véritable sujet de fond, mais qui arrive, le plus souvent, au dernier plan des choses importantes à faire. Je compte sur les doigts d’une main les entreprises qui ont mis en avant la formation, et qui ont fait passer ce sujet avant d’autres. La raison est assez simple, une TPE/TPME subit la plupart du temps son activité, elle est à bloc tout le temps et n’a pas l’opportunité de dégager du temps pour s’occuper de sujets plus profonds. Peut-être, est-ce parce qu’il n’y a pas de personne dédiée à cette taille d’entreprise, pour s’occuper réellement du capital humain. Quand bien même on recrutait une RH, personne n’aurait le temps d’exécuter son plan de développement des compétences. Une autre raison pourrait également être l’absence de résultats mesurables et concrets pour les dirigeants d’entreprise. Pour ce dernier, il est important de comprendre à quoi correspond chaque dépense, quel investissement cela représente pour l’entreprise. Pour la formation, ça ne marche pas comme ça. Notamment sur certains domaines, il est pratiquement impossible de quantifier le retour sur investissement. Prenons l’exemple d’une formation Photoshop perfectionnement pour un graphiste, quel est le ROI de trois jours de formation ? On pourrait pour cela, mettre en place un calculateur de temps qui permettrait de d’évaluer en combien de temps le salarié réalisait la tâche avant et après la formation. On le couple avec un salaire horaire chargé et on trouve un premier résultat qui peut être parlant. Mais qu’en est-il du bien-être du salarié ? De se sentir considéré dans son travail, de travailler plus rapidement et sereinement, ce qui lui prenait deux fois plus de temps avant. Quid du temps qu’il a réussi à gagner et qu’il passe à faire autre chose, comment évaluer cet impact en termes de ROI ?
Encore plus vrai sur certains domaines
Il y a des domaines où il est plus facile que d’autres d’évaluer quelques données financières afin de les partager avec l’entreprise. Comme je vous l’ai déjà dit, les TPE/TPME font souvent des formations initiées par une demande de salarié pour travailler plus vite. Dans ce cas, il faut calculer la fréquence à laquelle la tâche est réalisée après la formation pour la comparer avec le temps passé avant la formation. Mais comment fait-on lorsqu’il s’agit de formation en management ? Une formation à la gestion des conflits est quantifiable sous quelle forme ? Comment mesurer le fait qu’il y ait moins de conflits en entreprise ? Et même s’il y a moins de conflit, est ce que ça signifie automatiquement que l’entreprise est plus performante ? Absolument pas. Comment un dirigeant d’entreprise pourrait alors valider une formation à la gestion des conflits sans en attendre en retour un gain financier pour son entreprise ?
La solution Kikpatrick et la mesure du ROE
Dans les TPE/TPME d’aujourd’hui, je retrouve de plus en plus de patron inquiet du bien-être de leur salarié. Les formations en management prennent d’ailleurs plus d’ampleur. Car effectivement, une des raisons pour laquelle il est intéressant de travailler en aval les formations, c’est sur cet aspect qualité qu’on oppose à la quantité. Il est fastidieux de quantifier le ROI d’une formation, comme pour apprendre à gérer les conflits, cependant, il reste plus facile à qualifier cette formation par différents indicateurs travaillés en amont de la formation. On parle alors, dans le cas du modèle de Kirkpatrick, de ROE, return on expectations. Ce ROE est davantage réalisé dans les entreprises car il est beaucoup plus facile à mettre en place que le ROI, et il permet de mettre en exergue des retours attendus de la formation. Certes on utilisera moins de chiffres (quantifier) et plus de mots (qualifier) mais en conclusion, si on trouve de bons indicateurs en rapport avec la formation, qu’ils sont expressifs avec la thématique de formation, alors constater une progression sur ces indicateurs devraient signifier que la formation a été une réussite. De ce fait, elle aura un impact positif sur le capital humain et sur la performance de l’entreprise.
Mettre en adéquation projet et moyens
Le marché de la formation n’est pas différent des autres marchés ou règnent offre et demande. La fixation des prix est donc régulée par cette pratique, même s’il faut l’avouer, les prix, comme dans les autres domaines, ont tendance à être tirés systématiquement vers le bas au profit de la qualité de service ou la qualité de produit. Il en va de même pour les investissements dans la formation. Il n’y a rien de plus frustrant que de trouver une entreprise avec des ambitions importantes de développement des compétences, mais de ne jamais mettre cette ambition avec une bonne adéquation des moyens. Comme les prix sont systématiquement tirés vers le bas, la qualité des prestations s’en fait ressentir. Ainsi, beaucoup d’entreprises veulent former à moindre coût, alors même que leurs ambitions sont très élevées. Pour Human Formation, nous avons remarqué ces dernières années, cette inadéquation, et nous essayons dorénavant de déceler la motivation des entreprises à monopoliser des moyens qui permettent d’atteindre ces objectifs. Lorsque je travaille un besoin de formation, je parle beaucoup des attentes à moyen et long terme de l’entreprise. Je délivre ensuite le programme et le devis correspondant au mieux à ses attentes. Je ne fais pas en fonction de ses critères de décisions, je fais de telle sorte que nous sommes certains que notre proposition, est optimale pour ses attentes et ses ambitions. Le problème étant qu’aujourd’hui, tout le monde veut tout, tout de suite. Les entreprises ne veulent plus être formé pendant 5 jours sur du développement de compétence pur. 2 à 3 jours leur suffisent selon elles, alors même qu’elles ne se basent sur aucun critère tangible. Former prend du temps, il faut donc laisser le temps au temps, sous peine d’être toujours confronté à des problèmes une fois de retour en situation de travail. C’est aussi une bonne solution pour ne pas voir de compétences se développer à terme.
Les moyens humains
Je discute avec énormément d’entreprises pendant l’année. J’ai toujours le même son de cloche. Le dirigeant, voire le repreneur souhaite construire ceci, de développer là, exporter vers X, mais à la fin, on me dit toujours « nous sommes en sous-effectif ». Mettre en adéquation ces objectifs de développement avec une bonne adéquation humaine est capitale en entreprise. Dans les TPE/TPME, il n’y a pas la place à un RH, c’est peut-être une bonne raison pour laquelle je constate beaucoup de problèmes sur l’organisation du travail en entreprise. Sans des moyens humains qui sont à la hauteur de vos projets, il est certain que ceux-ci ne verront pas le jour dans les temps, avec un résultat qualitatif. La formation ne fait pas exception. C’est d’ailleurs un crève-cœur que de refuser certaines formations sur du développement de compétence. Encore en fin de semaine dernière, une entreprise qui travaille dans la communication me disait qu’elle souhaitait former deux de ses salariés sur l’utilisation de WordPress. J’ai travaillé le projet en amont, en formalisant la meilleure offre possible pour le projet qui paraissait très censé de prime abord. Une fois l’offre présentée, déconvenue totale pour l’entreprise qui comprend qu’il y a une inadéquation entre ses moyens et ses ambitions. L’entreprise souhaite proposer à ses clients de construire des sites internet légers et souples, à destination d’une clientèle déjà existante d’artisans. Il faut donc apprendre les bases de WordPress ce qui correspond à 4 ou 5 jours selon le profil des participants. Quel a été le résultat quand j’ai annoncé le fruit de mon travail ? :
- Les deux personnes qui souhaitaient être formés ont déjà leur métier en cours, ils n’ont pas assez de temps pour s’occuper de leur propre travail, je ne vois pas comment ils pourraient avoir le temps de s’occuper de prestation supplémentaire,
- Dégager 4 à 5 jours de formation est littéralement impossible me confie le dirigeant, c’est comme s’ils étaient absents une semaine entière,
- Même si le tarif est dans la norme, multiplié par 5 jours et c’est au moins la moitié du budget qui n’est pas remboursé par l’OPCA.
On a conclu avec le dirigeant que la formation était une excellente solution pour son projet. Mais que celui-ci est beaucoup trop ambitieux par rapport à ses moyens humains. Il faudrait idéalement : recruter une personne qui, peu à peu, récupérerait des tâches des deux collaborateurs, former ensuite ceux-ci à la prestation WordPress qu’il souhaite mettre en place. Mais le temps de recruter, former, pratiquer, développer des compétences va prendre au moins deux ans. J’estime que c’est le temps nécessaire pour étendre l’activité d’une entreprise, en tout cas sur ce projet. Le dirigeant pourrait également recruter un webmaster, il irait beaucoup plus vite dans son développement, mais ce n’est pas le même budget.
Les moyens financiers et les remboursements OPCA/OPCO
J’ai évoqué brièvement le coût des formations auparavant qui a interloqué le dirigeant de cette TPE à Marseille. Il est vrai que le montant lui a paru élevé. N’ayant pas l’habitude de faire de la formation sur 5 jours, le montant du devis lui a vite paru très élevé. Son premier réflexe a été de savoir quel part pouvait être pris par l’OPCA. Avec ces temps de réforme, je lui ai dit que la prise en charge devrait couvrir un tiers voire la moitié de la formation. Même au téléphone, j’ai pu entendre la grimace du dirigeant. Mon constat encore une fois, est que les patrons d’entreprises cherchent par tous les moyens à tirer les prix vers le bas, alors même que leurs ambitions de développement sont très haut. Cette inadéquation conduit souvent à des déboires, car ces mêmes patrons refusent souvent des prestations qui correspondent à leur besoin, mais qui peuvent leur paraitre chères, et se ruent alors sur des prestations beaucoup moins chères, mais qui ne leur permettront pas d’atteindre les objectifs opérationnels visés. J’ai des entreprises qui se forment sur plusieurs jours consécutifs car le projet le nécessite. Elles n’attendent d’ailleurs pas après un remboursement OPCA ou OPCO pour prendre la décision de se lancer ou non. On parle de projet d’entreprise, de développement, de croissance. Si une centaine d’euros fait barrière à ce point à votre projet, c’est que vous ne voyez pas tout le potentiel que représente la formation dans votre projet. Pensez investissement et non pas coût. Concernant l’entreprise précédente, j’ai proposé la meilleure prestation qui correspondait à leur objectif opérationnel, j’ai même adapté légèrement le prix en tenant compte de la petitesse de leur budget. Cela ne se concrétisera pas et c’est même moi qui ai dit au dirigeant que le projet n’était pas raisonnable et que je préférais ne pas le concrétiser si on commençait à négocier sur l’aspect pédagogique. Pour résumer mes propos, on ne construit pas une tour de verre d’un kilomètre de haut à Dubaï avec de la paille et du bois, on ne produit pas des films en 4K avec un appareil photo jetable, on ne va pas sur la lune avec un planeur, on n’aligne pas son équipe B lorsqu’on joue contre le premier du championnat, on ne forme pas en deux jours ce qui nécessite cinq jours. On doit mettre les moyens (humain, financier) à la hauteur de ses ambitions.