De l’expérience nait le besoin
Hier, une entreprise avec qui je travaille terminait sa saison. En tout cas la période la plus chargée pour lui est désormais derrière. Il a le temps de respirer un peu et en le prenant un peu de court hier, je lui demandais ses projets et ses besoins qu’il souhaitait mettre en place d’ici la fin de l’année. Il a tout de suite mis en corrélation la fin de l’année avec la perte de son budget. Il a donc commencé à réfléchir à l’envers : j’ai du budget, qu’est ce que je pourrais faire comme formation puisque j’ai cotisé pour ? Pour moi, c’est une erreur de penser comme ça. C’est le meilleur moyen de mettre en place une formation alors qu’elle n’est peut-être pas du tout nécessaire. Sous prétexte que vous avez un budget, il ne faut pas absolument pas obligatoirement faire de formation. Vous allez me dire que vous ne pouvez pas perdre votre budget et j’en suis tout à fait d’accord, mais pas au détriment de faire de la formation parce qu’il faut sauver absolument le budget.
Quels besoins aujourd’hui en entreprise ?
Bien souvent, faire naître un besoin de formation c’est avant tout une question de compétence. En partant d’une fiche de poste et d’un objectif opérationnel, on doit pouvoir trouver les compétences requises pour atteindre cet objectif. En réalité, et après des milliers d’entreprises contactées (moins de 50 salariés principalement), je peux aisément dire que ça ne se passe jamais comme ça, à 99% pour ne pas tomber dans l’excès et ne pas stigmatiser ceux qui œuvrent dans le bon sens. La réalité c’est qu’il existe 4 cas dans les entreprises :
- Les entreprises ne font jamais de formation
- Les entreprises ne font que des formations dites obligatoires en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et réglementaires (CACES, SST etc..)
- Les entreprises, quand les entretiens individuels ou professionnels sont effectués, font parfois naitre des besoins de formation de la part des demandes salariés
- Les entreprises créées des besoins de formation en fonction de la stratégie du ou des dirigeants et en fonction des différentes compétences internes.
Voilà ce que je rencontre le plus sur le terrain. Je pourrai y associer des pourcentages mais vous pouvez considérer que le dernier cas est le plus rare, il représente probablement moins d’un projet sur dix. En réalité, la plupart des entreprises sont dans le cas 1 s’ils sont sur un secteur où il n’y a pas d’obligation de formation, donc hors secteur de la construction, du commerce de gros etc…Si à l’inverse l’entreprise travaille dans l’un de ces secteurs, il est certain que les entreprises vont s’assurer de réaliser ce qui est obligatoire, et rien faire pendant les années creuses ou les recyclages de CACES, par exemple, ne sont pas nécessaires. Ces entreprises se retrouvent alors dans le cas 1.
Sur le cas 3, j’ai souvent des entreprises qui me disent que les projets de formation viennent directement de la part des salariés. Je pense que c’est un discours assez facile pour se dédouaner d’un des rôles du dirigeant (art L6321-1 « L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail »), à savoir, faire monter en compétence ses salariés. J’entends d’ailleurs bien souvent que les salariés n’ont pas fait remonter de besoin cette année. Normal, ils n’ont pas le temps, et si la hiérarchie n’insuffle par de politiques en faveur de la formation, l’employeur s’assure implicitement qu’il n’y aura jamais de projet.
Ralentissement et problématique
En réalité faire naître un besoin de formation c’est avant tout avoir conscience que la formation va participer à l’augmentation de la performance de l’entreprise. Un dirigeant qui ne croit pas en cette théorie n’inculquera pas de dynamique de plan de développement des compétences dans l’entreprise. A l’inverse, si le dirigeant en est convaincu, un premier pas est déjà effectué. A partir de ce moment-là, il s’agit, dans un second temps, de prendre le temps. Simple à dire mais difficile à mettre en place. Les entreprises sont chargées toute l’année, et si elles ont une activité cyclique, les ralentissements de basse saison sont signes de congés, ou d’intérimaires absents, et donc une équipe de base (CDI) toujours chargée de travail. Alors ou est ce qu’on prend le temps ? Je n’ai aucune réponse à apporter, j’ai souvent tendance à dire qu’on trouve toujours le temps de faire les choses à partir du moment ou ces choses sont prioritaires. Une solution alors, serait d’arrêter de mettre la formation au dernier plan ou en dernière tâche de la to-do list des dirigeants. On entre alors dans le troisième temps, qui est la naissance du besoin. Outre le fait de travailler sous la forme : compétences acquises – compétences requises = besoins, il faut comprendre ce que c’est aujourd’hui une TPE/PME. Une entreprise de moins de 50 salariés aujourd’hui, c’est un collectif de salariés tous multi-casquettes, complétement déconnectés des fiches de postes traditionnelles ou des codes ROME associés. Comparez les tâches d’une assistante de direction dans une entreprise de 20 salariés versus une entreprise de 500 salariés, on peut aisément dire que celle qui travaille dans l’entité la plus petite est multitâche, avec des compétences transverses bien plus importantes. C’est là qu’est la clé pour le besoin de formation : travailler ce qui fait perdre du temps au salarié. En étant multi-casquette, on ne peut pas être compétent sur tout, surtout quand on démarre dans le poste. Un des meilleurs moyens d’utiliser la formation dans les TPE/PME c’est d’analyser ce qui ferait travailler plus vite les salariés, afin qu’il gagne du temps et donc de la sérénité dans leur activité. C’est souvent ce que je fais auprès des TPE/PME avec qui je travaille. On forme dès lors sur de la bureautique (projet sur Excel spécifique), du management (projet sur mieux déléguer en entreprise), de la comptabilité (projet sur la TVA, la DSN ou la paie) etc…ça fait sens avec notre activité puisque nous travaillons toujours ces projets sur-mesure.
Trouver des solutions
Nous avons vu que le besoin de formation peut être trouvé en se posant simplement la question de comment faire gagner du temps dans le quotidien du salarié ? Il est vrai que travailler les compétences requises sur un projet c’est souvent bien dans la théorie, mais en pratique, je ne connais que très peu de TPE/PME qui me parle de leur projet de conquête à l’international. C’est plus aujourd’hui un discours qui ressemble à : comment lutter contre les GAFA pour maintenir mon activité. Le problème aujourd’hui des TPE/PME c’est qu’elles sont isolées et assez peu accompagnées finalement, alors qu’il existe des solutions. Je suis souvent abattu de voir que l’entreprise n’a parfois même pas d’aide de leur expert-comptable ? Désolé si un EC tombe sur cette page mais quand un dirigeant ne connait même pas son OPCO (ou anciennement OPCA) je ne comprends pas le sens du métier d’EC. Ca devrait également faire partie du travail de l’EC que de dire à l’entreprise son budget pour l’année en cours, avant même de penser optimisation fiscale…
L’OPCO est (normalement) votre ami !
Lorsque je discute avec les entreprises, à Marseille ou ailleurs, j’ai souvent le sentiment que l’OPCA n’est pas forcement l’ami de l’entreprise. L’OPCAIM, le FAFIEC et l’AFDAS sont peut-être les seuls qui parfois accompagnent les entreprises adhérentes. C’est aussi ça le rôle de l’OPCA, plus que celui de récolter la taxe sur la formation professionnelle. La réforme va chambouler de manière structurelle les acteurs et les rôles de chaque entité entre la Caisse des Dépôts et des Consignations, France Compétence, l’URSSAF et les OPCO.
Les OPCO vont garder cet accompagnement et c’est une chance pour les entreprises, en tout cas les TPE/PME. Ceux-ci ont besoin d’être accompagné, dans la définition de leur besoin quand cela est nécessaire mais aussi dans la définition des différents dispositifs qui existent ainsi que des financements associés. C’est la première chose que devrait faire une entreprise : rencontrer son OPCO dès Janvier / Février et faire le point sur l’année, le budget. Qui plus est, et ce n’est pas à mon avantage de le dire, mais l’OPCO détient souvent des actions collectives qu’il peut présenter à l’entreprise. Ça peut également être une stratégie de développement des compétences.
L’Organisme de formation aussi !
Les organismes de formation bénéficient de peu d’attrait de manière générale aux yeux des entreprises. Deux choses m’incitent à le confirmer. D’une part, on observe souvent des résultats de questionnaires sur la confiance attribuée aux organismes de formation, et les notations sont souvent peu élevées. D’autre part, dans les TPE/PME, l’organisme de formation est mal considéré, il va appeler l’entreprise chaque année pour ses besoins de formation, et il peut avoir l’image de quelqu’un qui profite des formations obligatoires. Alors que le dirigeant de la TPE/PME a la tête dans le guidon pour pérenniser son activité, il est parfois harcelé par des commerciaux dont il sait qu’il va devoir y acheter de la formation. Soit par le caractère obligatoire des formations liée à son entreprise, soit par son obligation d’employeur de former ses salariés au maintien des compétences. Il peut alors penser que les organismes de formation ont la part belle, c’est certainement une vision un peu réductrice mais parfois juste. Cependant, ma vision de la formation est plutôt différente, surtout quand on est à son compte. J’ai choisi de travailler avec les TPE et les PME, en comprenant la difficulté que représente cette taille d’effectifs mais, aujourd’hui, je connais par cœur les problématiques, les enjeux des entreprises. L’organisme de formation pour moi est donc avant tout un confident envers l’entreprise, il est censé l’aider dans la construction de son besoin, qui est souvent difficile à repérer. J’accompagne régulièrement les entreprises pour les tenir au courant de l’avancement de la réforme de la formation, de leur nouvel OPCO, des règles de prises en charge d’ici la fin de l’année etc…L’entreprise n’a pas le temps de s’en occuper, c’est donc un devoir de les accompagner là-dessus, surtout quand on a déjà travaillé avec une entreprise, j’ai ce sentiment de redevabilité. Alors j’aide au maximum les entreprises, et ce, même si aucun projet n’est mis en place l’année en cours. Ce n’est pas ce qui compte.